Le puissant mouvement social contre la « réforme » des retraites, quelle qu’en sera l’issue après la journée du 6 juin, aura produit des conséquences importantes, que le mouvement syndical devra analyser.

Il remet la question de la place et de la qualité dégradée du travail au centre des débats dans la société, et pose celle des revendications syndicales, en termes de salaires, de réduction du temps de travail, d’organisation du travail, de financement donc de répartition des richesses produites.

Il bat en brèche l’idée, validée par un pouvoir politique soucieux de réduire l’action syndicale au seul champ local de l’entreprise, rabâchée par les forces conservatrices, selon laquelle les organisations syndicales ne disposeraient pas,en raison de la faiblesse – hélas réelle – de leurs effectifs, de la légitimité nécessaire pour représenter aujourd’hui le monde du travail.

Il met à nu, s’il en était encore besoin, la nature profonde de la majorité relative parlementaire, du gouvernement et du chef de l’État, à savoir profondément conservatrice, servilement libérale, et non dénuée de tendances autoritaires,comme en témoignent le recours à toutes les procédures parlementaires les moins démocratiques – dont le 49.3 – mais aussi une répression policière qui inquiète y compris les observateurs étrangers, voire l’inquiétante obstination présidentielle à généraliser le très ambigu SNU.

Il souligne l’attachement du salariat à l’unité d’action syndicale, par une adhésion sans faille tant à l’existence de «l’intersyndicale » qu’à sa stratégie, répondant massivement aux appels à la manifestation et à la grève.

Certes le mouvement n’est pas parvenu, notamment le 7 mars, à l’objectif fixé de mise à l’arrêt de l’économie, rendant par là difficile la création d’un rapport de force nécessaire pour obtenir le retrait. Mais le nombre, ledynamisme et disons le, la joie dans laquelle le salariat, la jeunesse et les retraité.es se sont mobilisés et semobiliseront encore en juin, ont participé aussi à la victoire dans la bataille des idées, avec l’impossibilité pour le pouvoir de justifier cette réforme, discrètement soutenue par le grand patronat, autrement que par le souci de plaire aux investisseurs capitalistes internationaux.

Enfin le mouvement a également confirmé la nécessité pour le mouvement syndical de disposer, le moment venu,d’une traduction politique à Gauche en capacité de transformer les revendications sociales en décisions gouvernementales. La force du mouvement, sa crédibilité au sein de la société, tiennent également au souci, partagé par l’ensemble des organisations syndicales, à commencer par la FSU, de préserver son autonomie de décision par rapport au champ partisan, notamment des forces de la Nupes. Cela n’est en rien contradictoire avec le constat de la nécessité d’une alternative politique en capacité de mettre un terme aux contre-réformes.

Car pour Unité et action, la lutte continue.

D’abord sur les retraites, en harmonie avec les orientations de l’intersyndicale, et avec les déclarations récentes tantde la CGT que de la CFDT, car pour UA FSU cette régression reste et restera inacceptable, et devra être combattue sans relâche, avec les salarié.es, en activité ou non.

Mais aussi sur les conséquences d’une situation économique globale et de choix gouvernementaux inquiétants pourles travailleurs et travailleuses. L’inflation ronge les revenus salariaux, les services

publics font les frais d’une politique qui privilégie, dans les trajectoires budgétaires annoncées par Bruno Le Maire,l’attractivité financière du pays – d’où le camouflet que constitue la dégradation de la France par une agence de notation – à la satisfaction des immenses besoins de la population, notamment la plus précarisée, en termes de santé ou d’éducation, notamment.

Chacun voit en quoi le pouvoir est tenté par une grande alliance conservatrice entre Renaissance et LR, voire plus loin, qui serait fondée sur une orthodoxie budgétaire, l’accroissement de la course en avant libérale – nouvelles réductions fiscales pour les plus aisé.es, nouvelles coupes dans les cotisations sociales, menaces sur le statut de lafonction publique, tentation d’en rabattre sur l’impératif écologique et climatique au prétexte de ne pas gêner la production capitaliste… – couplée à des mesures frappant les populations les plus fragiles, qu’il s’agisse des personnes privées d’emploi ou des migrant.es.

En témoignent également tant la « réforme » inacceptable de la voie professionnelle qui consiste en un alignement sur la volonté du patronat de disposer d’une main d’œuvre bon marché et docile – le 31 mai sera l’occasion d’unepremière mobilisation contre cette politique d’abandon qui tourne le dos aux idéaux d’émancipation par le savoir de la jeunesse, et d’abord populaire, affirmés à la Libération – mais aussi le renoncement, au-delà des déclarations presque pathétiques du ministre de l’Education nationale, à imposer à l’école privée confessionnelle sous contrat ne serait-ce qu’un début de mixité sociale dans ses établissements.

Aujourd’hui, pour UA, il est nécessaire de porter haut les revendications républicaines en termes d’unification duservice public et laïque d’éducation, de fin des scandaleuses et injustifiables subventions publiques octroyées à uneécole marchande qui peine chaque jour davantage à dissimuler son caractère et son égoïsme de classe derrière desproclamations d’identité religieuse, par ailleurs également discutables.

C’est pourquoi le mouvement syndical, fort de son unité, renforcé par des adhésions récentes et qui doivent encore augmenter, conscient de sa responsabilité dans un moment si difficile, doit être à la hauteur des aspirations et de la confiance réaffirmée du salariat.

Pour Unité et Action, il est donc nécessaire de créer partout les conditions d’un rapport de force, avec le salariat afinde gagner sur les revendications, qu’il s’agisse des retraites, des salaires et des pensions, de la qualité du travail, des services publics nationaux ou territoriaux, des moyens attribués à l’école publique alors que la perte d’attractivité vers les professions enseignantes s’aggrave.

Une course de vitesse est engagée entre le mouvement syndical, les forces de progrès démocratique et social d’une part, et d’autre part la tentation du repli, de la fermeture et de l’exclusion, comme en témoignent les menées de plusen plus violentes et décomplexées d’une extrême droite xénophobe, anti féministe, anti LGTB, et nationaliste.

Alors que le climat international, le retour de la guerre en Europe, l’enracinement de régimes dictatoriaux ou autoritaires créent une ambiance globale délétère, le mouvement syndical, dans son champ de responsabilité propre, avec résolution, doit se fixer comme objectif de redonner une espérance collective au salariat.

Les espoirs semés dans ces mois de luttes unitaires peuvent faire lever de belles moissons.