Contribution de Caroline Chevé et Benoit Teste
Notre syndicalisme de transformation sociale hérite d’un modèle historiquement masculin, mais régulièrement percuté et nourri par les combats féministes : le droit d’accéder à tous les métiers, le développement des droits familiaux et reproductifs, l’inscription de l’égalité salariale dans la loi.
Aujourd’hui les inégalités entre les femmes et les hommes relèvent toujours d’impensés profonds qui traversent nos représentations et influent sur nos comportements : l’assignation des femmes à des métiers censés prolonger leurs qualités naturelles, fréquemment cantonnés à des emplois subordonnés, mal rémunérés, à temps partiel ou précaires. Mais il ne faut pas s’y tromper : il ne s’agit pas seulement de mentalités, il s’agit bien de rapports sociaux,économiques et politiques.
Mener les combats
La fin des inégalités au travail exige un investissement financier massif, notamment dans les services publics, en matière de rémunérations, d’accès au statut de la fonction publique et de création de postes. Aucun gouvernement libéral, a fortiori sous la pression de l’extrême droite, ne proposera d’avancées, s’il n’y est contraint par les mobilisations et l’exigence sociale.
L’intégration des enjeux féministes à notre pratique syndicale a porté des mobilisations et des avancées que nous devons faire prospérer. Notre investissement sans faille dans les accords égalité professionnelle de 2018 a ouvert des cadres de revendications nouveaux, et engagé la fédération et les syndicats nationaux dans des dynamiques de formation syndicale et dans des débats qui modifient les consciences.
En 2019 comme en 2023, les conséquences spécifiques des réformes des retraites sur les femmes ont pesé dans le débat public. La tribune à l’initiative de la FSU dénonçant les conséquences sur les femmes des attaques contre la fonction publique et les services publics dans le cadre du débat budgétaire 2025 est apparue comme une évidence, et a recueilli très vite les signatures des femmes engagées dans les organisations syndicales, associatives et politiques.
La place des femmes dans l’organisation
La vitalité du combat féministe nourrit notre vie syndicale. Amplifier cette dynamique exige que la FSU continue de faire évoluer ses pratiques comme elle s’y emploie depuis plusieurs années. Gardons-nous de l’injonction contradictoire faite aux femmes de « prendre leur place ». L’enjeu est de rendre nos pratiques militantes plus désirables encore, pour les femmes, pour toutes et tous.
Développons les formations permettant aux militantes de surmonter les obstacles et le sentiment d’illégitimité. Sécurisons encore davantage la prise de parole en réunion comme en public. Interrogeons le temps militant et son articulation avec la vie privée. Assurons-nous d’une représentation des femmes à la hauteur de leur présence dans les services publics.
La cellule de veille créée en 2022 entrera dans les statuts au congrès. C’est un signal fort de notre volonté d’ éradiquer toutes les violences sexistes et sexuelles, par la prévention et la sensibilisation systématique de toutes et tous, par notre réactivité dès qu’elles se présentent, et par une réponse efficace aux saisines de la de la cellule. Un travail collectif et rigoureux sur le règlement intérieur doit rapidement traduire cette volonté.
Féminisme et transformation sociale
Le capitalisme, les inégalités et la violence sociale qui l’accompagnent, sont étroitement liés au patriarcat : travail domestique gratuit, dévalorisation des métiers du soin, précarité et faiblesse des salaires… L’extrême droite porte des régressions majeures, sur les droits reproductifs et familiaux, le travail des femmes, les droits des minorités, la réduction du rôle de l’État aux fonctions régaliennes au détriment des services publics.
Inventer un nouveau mode de production, éradiquer les inégalités et les discriminations, construire une société juste, écologiste et démocratique ne peut se faire sans éliminer la domination patriarcale. La place singulière de la FSU dans les métiers en lien avec la jeunesse et l’éducation lui confère une responsabilité forte pour contribuer à dessiner l’avenir. Le syndicalisme de transformation sociale doit continuer à travailler à des fronts unitaires larges, avec les associations, pour amplifier les mobilisations. Les leviers existent aujourd’hui.
Dans le contexte du 25 novembre 2024, nourrie de la place prise par les violences faites aux femmes dans le débat public, la sortie des 139 propositions pour une loi-cadre intégrale contre les violences sexuelles rédigées par la Coalition féministe, doit permettre de franchir une nouvelle étape dans le rapport de force, constructive et rassembleuse, avec un 8 mars 2025 puissant en ligne de mire.
La FSU y prend toute sa part, et le congrès national sera l’occasion de le réaffirmer.