L’actualité  nous pousse à approfondir le débat sur des questions certes périphériques de notre action syndicale mais qui touchent à des question sensibles, d’où la vigueur et la richesse du débat, mais aussi les risques d’incompréhension et de divisions superflues.

C’est pourquoi il semble utile de faire un point sur ce qui peut légitimement faire consensus dans le courant UA avant d’aborder deux questions qui n’entrent pas dans ce corpus commun.

1) Notre socle

Entre nous il ne saurait y avoir de divergence sur les valeurs, les convictions fondamentales qui inscrivent notre syndicalisme dans le double héritage émancipateur du combat républicain et du mouvement ouvrier : respect des libertés individuelles, d’opinion, notamment religieuse, égalité devant la loi et l’accès aux services publics, laïcité de l’État et des services publics, c’est à dire indifférence vis à vis des appartenances religieuses des usagers, neutralité des personnels, et refus d’une intrusion religieuse dans la définition des missions de service public et dans leur exercice.

Par ailleurs, nous ne sommes pas dupes de la conversion républicaine et laïque de forces politiques de droite radicale, qui n’exercent leur vigilance « républicaine » qu’à l’endroit de la seule confession musulmane, et n’ont de cesse d’identifier la nation française à un passé chrétien mythifié et exclusif.

Pas plus que nous ne sommes dupes de tactiques de diversion menées par la Droite au pouvoir, soucieuse d’orienter le débat vers des questions sociétales alors qu’elle mène des réformes économiques et sociales profondément régressives pour l’ensemble des salarié.es.

Sur ces points, et sur la nécessité enfin de ne pas raviver inutilement les tensions qui risquent à tout moment de diviser la société sur une base ethnique ou religieuse nul désaccord entre nous. Seul le nationalisme, et potentiellement un néo fascisme, gagnerait à une opposition des Français.es sur ces questions d’identité.

2) Pour autant, deux points restent sensibles.

Il ne sont pas de même nature sans être pour autant totalement détachés : l‘emploi du terme « islamophobie » et la question de l’accompagnement des sorties scolaires.

  1. a) L’ expression « islamophobie » tend à se banaliser pour désigner la stigmatisation des Musulmans ; celles et ceux qui l’utilisent sont également fondés à y voire un « racisme » car, ce dernier ne relevant pas d’une opinion mais d’un délit, ce sont bien des populations issues essentiellement de pays non européens qui sont ainsi commodément ciblé.es, notamment par la droite radicale.

Il est vrai que sous cette acceptation, l’expression est désormais de plus en plus utilisée dans le langage commun, par de nombreux observateurs et commentateurs.

Il n’en reste pas moins que derrière cet usage banalisé se trouve un réel problème, celui de donner à penser que la liberté de penser, et de critiquer, devrait épargner l’Islam.

La difficulté vient de ce que le même terme est utilisé à la fois à Gauche – pour faire vite – pour dénoncer à juste titre une stigmatisation de populations qui par ailleurs se trouvent essentiellement appartenir aux classes populaires victimes par ailleurs de stigmatisation sociale, mais aussi par des mouvements islamistes qui y voient un instrument pour déconsidérer toute action visant à faire obstacle à leur œuvre de réislamisation par le bas.

Si nous acceptons l’usage de ce terme, ce ne peut être qu’en rappelant le droit à la liberté de penser, de critique de toutes les idéologies y compris religieuses, et y compris l’Islam comme système de pensée et comme matrice de pratiques sociales.

En clair, on peut et on doit pouvoir à la fois défendre le droit de culte et critiquer des croyances ou des pratiques que nous jugeons contraires à nos valeurs fondamentales.

UA pourrait se retrouver pour défendre dans nos mandats, de préférence à « islamophobie »  le refus de toute forme de « racisme, d’antisémitisme et de stigmatisation des Musulman.es »

 

  1. b) La question de l’accompagnement scolaire est plus étroite mais plus délicate car elle renvoie à des réalités concrètes et d’abord pour nos camarades du premier degré.

De plus, le Snes et le Snuipp ont des mandats divergents sur la question.

La question est de savoir si l’accompagnement scolaire peut être le fait de personnes portant des signes religieux visibles – notamment le voile islamique – alors que ceux ci sont interdits dans l’espace des établissements.

Le droit permet aujourd’hui ces pratiques. Faut il les revendiquer dans nos mandats ?

On ne peut nier que ces sorties relèvent d’activités pédagogiques – sans quoi quelle serait leur légitimité ? – et que dès lors l’absence de neutralité de personnes non enseignantes mais d’encadrement peut poser problème, y compris d’ailleurs par rapport à d’autres parents.

L’argument du réalisme plaide cependant pour accepter cette pratique, de nombreuses écoles dépendant dans les faits de mères voilées pour rendre possibles des sorties scolaires. Par ailleurs, un refus serait nécessairement mal ressenti par des familles, au-delà même des personnes concernées, avec à la clé l’inverse de ce pour quoi l’absence de signes religieux est censée aboutir c’est à dire l’accueil de tou.tes les élèves, sans aucune distinction, au sein de l’Ecole publique. Et il est vrai que l’Ecole ne peut fonctionner sans la confiance des parents.

C’est pourquoi UA ne peut que refuser l’idée d’une nouvelle loi qui interdirait la présence de femmes voilées en accompagnement de sorties scolaires. Le statu quo législatif est en l’état du débat la meilleure solution.

D’où deux conditions d’ailleurs liées sans doute pour rendre possible cette situation délicate : le libre choix des enseignants de choisir les personnes encadrantes, la confiance envers les enseignant.es pour détecter et refuser toute tentative de prosélytisme ou de pression religieuses.

Liberté et confiance envers les enseignants paraissent les clés pour permettre à ces dispositifs de perdurer.