La situation née de la crise sanitaire montre le besoin d’alternatives progressistes en France et dans le Monde.
Cette crise sanitaire révèle la profondeur des failles des logiques économiques et sociales libérales actuelles. Les problématiques qu’elle engendre, valident les valeurs, les revendications et le projet alternatif portés par le courant progressiste.
Comment ne pas voir que de nombreux êtres humains meurent en raison au Nord de l’affaiblissement des services publics – à commencer par la Santé – par les politiques d’austérité et, au Sud, de leur absence ?
Comment ne pas constater que l’épidémie frappe d’abord les plus faibles, et qu’elle met en danger des millions de travailleuses et de travailleurs dans les secteurs de production de biens et de services socialement indispensables ? A contrario peu de traders sont touchés.
Chacun.e connaît les voies de sorties progressistes de cette crise : renforcement du rôle de l’État protecteur et stratège avec un développement des services publics et de la Fonction publique, fin des politiques d’austérité, priorité au développement d’une économie solidaire et écologiste et à la redistribution, réglementation de la mondialisation à seule fin de ces objectifs…
Mais si la crise signifie, pour un temps, un désaveu majeur pour les tenants du libéralisme, c’est à dire pour les défenseurs des seuls intérêts des classes possédantes, elle ne peut déboucher comme par magie sur les conditions de ce changement.
Il serait naïf de sous-estimer l’habileté et la résilience des élites politico économiques qui dominent la France, l’Union européenne et le monde depuis maintenant quatre décennies. Nul besoin d’avoir lu Le Guépard pour appréhender l’épaisseur des discours des gouvernants qui passent sans transition d’un discours exaltant les vertus du Marché aux psalmodies à la gloire de l’État – Providence…
La concrétisation des enseignements de la crise ne peut se réaliser, et notamment en France, qu’à plusieurs conditions.
Si la situation post crise constitue, le terreau du nouveau monde que nous voulons, l’établissement d’un rapport de force social et politique en est l’engrais.
Qu’appelons-nous un rapport de force social et politique ?
Il s’agit à la fois d’une démarche de conviction idéologique en direction de l’opinion publique, de mobilisation des salarié.es autour d’axes revendicatifs partagés par le plus grand nombre, en vue d’une alternative politique et non seulement électorale, en ce sens que la victoire de partis de Gauche ne signifierait pas l’aboutissement mais une simple étape dans la concrétisation des revendications.
Le libéralisme, est aujourd’hui sur la défensive. Une situation provisoire qu’il s’agit pour le syndicalisme de transformation sociale de mettre à profit pour établir l’hégémonie progressiste nécessaire. De nombreux textes circulent. La FSU a beaucoup agi avec la CGT pour aboutir à la Tribune des 18 syndicats et associations qui dessine une voie de sortie de la crise sanitaire mais aussi du système néo libéral. D’autres initiatives existent, nécessitant examen et confrontation, comme le Pacte du pouvoir de vivre signé par la CFDT et Nicolas Hulot en octobre 2019.
L’efficacité de ces démarches passe par leur diffusion militante au plus près des salarié.es. Elle passe également par le débat et la volonté de rapprocher les propositions alternatives, sans en rabattre sur l’objectif d’émancipation, mais sans s’enfermer dans des postures identitaires ou concurrentielles qui entretiendraient des divisions uniquement favorables aux classes possédantes (1. Philippe Martinez in Pour).
Les mobilisations sociales donnent chair au combat d’opinion. Dans les conditions difficiles post confinement, il est de la responsabilité du syndicalisme d’organiser les luttes qui permettent aux travailleuses et travailleurs d’être les premiers acteurs de l’émancipation. Là encore, la recherche de l’unité d’action, au-delà de l’enfermement dans de soi-disant camps syndicaux, est un facteur décisif dans la réussite de mouvements majoritaires. La convergence des analyses et des luttes pour le monde d’après peut d’ailleurs constituer un contexte extrêmement favorable au dépassement des logiques de compétition électorales, aux barrières nées d’une histoire qui s’éloigne, et à la fin du fractionnement organique du syndicalisme français.
Enfin, si l’histoire récente prouve les limites d’une alternative qui se réduirait au politique sans accompagnement d’une pression sociale de la part des travailleurs et travailleurs, la défaite des forces conservatrices et nationalistes n’en constitue pas moins une condition préalable nécessaire sinon suffisante.
L’indépendance syndicale ne se discute pas. Les salarié.es doivent être assurées que les objectifs revendicatifs syndicaux ne sont décidés qu’au sein de l’organisation, et que la défense des travailleuses et des travailleurs ne sera jamais subordonnée aux intérêts partisans, quels qu’ils soient.
Mais l’indépendance ne signifie pas indifférence.
C’est la raison pour laquelle le syndicalisme doit débattre avec les forces politiques de Gauche qui partagent l’essentiel des critiques du système néo libéral, confronter les points de vue, influer sur les contenus programmatiques, en parfaite transparence avec les adhérent.es.
S’il n’est pas dans la vocation du syndicalisme de se prononcer sur les stratégies électorales de conquête du pouvoir politique, il est de sa responsabilité – comme cela le fut dans les années 70 au temps du programme commun – de rappeler que la recherche là aussi de l’unité en est une condition.
Le syndicalisme, face à la menace grandissante du nationalisme autoritaire et xénophobe, et devant la possibilité d’une poursuite d’un libéralisme économique destructeur des droits sociaux et de l’environnement, se doit de porter les espérances d’émancipation des travailleuses et des travailleurs.
Dans cette perspective, l’immobilisme n’est pas une option.
Sigrid GERARDIN (co secrétaire générale du Snuep FSU)
Francette POPINEAU (co secrétaire générale du Snuipp FSU)
Anne ROGER (co secrétaire générale du Snesup FSU)
Frédérique ROLET (secrétaire générale du Snes FSU)
Paul DEVIN (secrétaire général du Snpi FSU)
Benoit HUBERT (secrétaire général du Snep FSU)
Bruno LEVEDER (secrétaire général du snasub FSU)
Régis METZGER (co secrétaire général du Snuipp FSU)