Le 15 mars, à l’avant-veille d’un confinement strict de la population pour amortir l’impact de la vague de COVID-19, s’est déroulé le premier tour des élections municipales. La soirée électorale éclipsée par l’actualité sanitaire.

Dans un climat anxiogène, seulement 44,7% du corps électoral s’est déplacé aux urnes. Plus de 30000 maires ont été élus dès le premier tour, au rang desquels ceux issus du Rassemblement National et plus généralement de l’extrême droite : à Béziers (Robert Ménard, 68,7% des suffrages), à Fréjus (David Rachline, 50,6%), à Hénin-Beaumont (Steeve Brivois, 74,21%), à Hayange (Fabien Engelmann, 63,14%) pour ne citer que ces communes emblématiques. Au total, dans 8 des 13 villes passées sous administrations d’extrême droite en 2014 (Cogolin, Beaucaire, Villers-Cotterêts, le Luc, Bollène, le Pontet, Camaret-sur-Aigues, Mantes-la-Ville) les exécutifs municipaux ont été réélus dès le 1er tour (contre 2 villes seulement en 2014 à Orange et Hénin-Beaumont). Ces résultats illustrent un ancrage territorial qui se consolide au fil des années dans ces communes que nous observons depuis 2014. Malgré le contexte, l’électorat de l’extrême droite a bien pris le chemin des urnes ce 15 mars 2020.

En plein état d’urgence sanitaire, le deuxième tour de scrutin est quant à lui suspendu par ordonnance à l’aval du comité de scientifiques « sur l’état de l’épidémie et les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale ». Les résultats définitifs de l’extrême droite seront à analyser à l’aune de l’instabilité du moment. Sous couvert du leitmotiv « à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles », les mesures coercitives alimentées par les demandes d’ordre liées au climat profondément anxiogène se multiplient. Pour faire respecter le confinement, un maire réclame l’appui de l’armée. Un autre cherche à imposer le port du masque ou interdit les sorties à plus de 10 mètres de son domicile… C’est dans ce contexte, avec une population à fleur de peau, que le gouvernement a amputé nos libertés individuelles, il envisage même de géolocaliser nos téléphones portables. Ces privations de liberté sont une première dans le cadre de démocraties modernes avec toutes les conséquences possibles liées à l’irruption dans nos vies il y a une dizaine d’années du numérique et ceci dans tous les domaines…De plus la sémantique guerrière qui s’est imposée depuis plusieurs semaines dans le débat public n’augure rien de bon !

Les dérives autoritaires, et plus largement la montée des nationalismes et de la xénophobie ne sont pas nouvelles ni dans l’hexagone comme évoqué précédemment, ni plus largement en Europe ou de l’autre côté de l’Atlantique. La crise sanitaire qui frappe l’ensemble de la planète tend à exacerber le côté le plus dangereux pour nos libertés de certaines forces politiques au pouvoir. En Hongrie, au cœur de l’Europe, Victor Orban obtient du parlement, les pleins pouvoirs pour une durée indéterminée. Il n’est pas inutile de rappeler la position du RN en matière de système de santé « Protégeons à 100% la santé des français », pour Marine Le Pen « L’Aide Médicale d’Etat fait partie des pompes aspirantes de l’immigration ».

Nos analyses, nos alertes, nos initiatives, notre travail intersyndical de lutte contre l’extrême droite s’inscrit dans une dynamique de longue haleine nécessaire pour démasquer des politiques surfant sur les injustices et la misère sociale. Si la ligne de pente décrite était déjà largement préoccupante depuis plusieurs années scrutin après scrutin, après la vague le risque d’une aggravation est réel. Dans 4 nouvelles communes, le RN franchit la barre des 40% au premier tour (Moissac dans le Tarn et Garonne – 47,03% ; Vauvert dans le Gard – 43,08% ; Hirson dans l’Aisne – 43,07% et Ile sur Têt dans les Pyrénées Orientales – 41,06%). A Perpignan, L. Alliot (35,6%) est en embuscade. Des conseillers municipaux non apparentés pourraient encore sortir du bois dans d’autres villes au moment des élections sénatoriales. Peur, crise sanitaire liée à la mondialisation, poids exorbitant des multinationales, crise financière, suppressions massives d’emploi, modifications des relations sociales sont un cocktail explosif. La situation impose notre vigilance et nos forces de conviction, dans l’unité la plus large.

Poser les jalons pour le jour d’après doit être aussi une démarche réduisant à néant les dynamiques en cours basées sur « un confinement idéologique » prônant la xénophobie, le nationalisme comme des recours fiables !

Pascal Debay, membre de la commission exécutive confédéral de la CGT

Stéphane Tassel, membre du secrétariat national de la FSU