Les principes qui fondaient l’organisation hiérarchique de l’Éducation nationale sur l’application des textes réglementaires et la reconnaissance d’une compétence professionnelle ont progressivement été relégués derrière les conceptions managériales. Sous les apparences de la rationalité de l’évaluation et de la modernité de l’innovation, c’est toute la culture professionnelle de l’encadrement qui s’est progressivement modifiée pour que le pouvoir personnel et le leadership se substituent à la norme réglementaire.

 

Sur le plan humain, tensions et conflits se sont multipliés, les conditions de travail se sont détériorées, les écarts entre le travail prescrit et le travail réel se sont creusés… Face aux injonctions aux effets discutables, aux mises en œuvre irréalistes, soumis aux alternances ministérielles, les personnels ont fini par douter du sens même de leur travail. La liberté pédagogique, vecteur de l’élaboration des pratiques pédagogiques et didactiques, est désormais soumise à des injonctions méthodologiques. L’accompagnement des réformes est devenu l’objectif majeur de la formation, aux dépens de l’amélioration des compétences professionnelles.

 

Sur le plan des finalités, l’école n’a pas progressé dans son objectif de démocratisation. Les transformations de la culture professionnelle de l’encadrement n’ont eu aucun effet sur les inégalités. Les stratégies particulières et locales ont pris le pas sur l’intérêt général ; l’alibi de la performance n’a pas évité la détérioration des moyens consécutive aux volontés de réduction budgétaire et favorisé une mise en concurrence des établissements.

 

L’augmentation des risques psycho-sociaux comme les constats d’échec des politiques menées en matière de démocratisation doivent conduire à une transformation profonde de la gouvernance.

Elle nécessite une action publique délibérément centrée sur les finalités de démocratisation des savoirs sans qu’elle puisse se limiter à la promotion de quelques réussites individuelles.

Elle nécessite une exigence portée non pas par la mise en concurrence et le mérite mais par la formation et l’accompagnement.

Elle nécessite des cultures professionnelles où la coopération, l’échange et l’élaboration collective constituent les vecteurs de l’action publique d’éducation, au service de la réussite de toutes et tous.

Elle nécessite la reconnaissance et l’encouragement du travail de chacun comme contribuant au bien commun et à l’émancipation intellectuelle et sociale par les savoirs et la culture commune.

 

Sophia Catella, Paul Devin UA