Inutile de se le dissimuler : les temps sont durs pour le mouvement social et plus globalement le camp du progrès, en ces premières semaines de 2024.

Sans doute n’est il pas encore minuit dans le siècle, mais l’heure tourne au cadran.

Les foyers de tension se multiplient dans le monde, qu’il s’agisse de l’agression russe contre l’Ukraine, du sanglantconflit au Moyen Orient, des menaces de la dictature chinoise sur la démocratie taiwanaise, voire de la marche d’un Donald Trump en voie de fascisation vers la Maison Blanche.

Les annonces de la dernière COP ne sont pas à la hauteur de la poursuite du réchauffement climatique, alimenté par lacupidité aveugle des marchands de sources d’énergie fossiles et des grandes entreprises transnationales, dont les intérêts sont largement relayés en France par le pouvoir actuel : peu leur importe le sort des populations qui en subissent les effets, souvent les plus pauvres, comme dans les Hauts de France à nouveau frappés par les inondations.

En France, en attendant le résultat des élections européennes qui donneront des éléments d’information, certes pas totalement révélateurs en raison de la spécificité de cette élection, sur les rapports de force politiques, la Macronie se débat dans un début précoce de fin de règne du Président des riches, tout en maintenant, par la grâce des institutions de la Cinquième République, le cap des « réformes » libérales et conservatrices, voire réactionnaires.

Dès lors, il n’y avait rien à attendre du énième nouveau souffle, martialement nommé « réarmement » par le Président, qu’était censé provoquer la démission imposée de Elisabeth Borne.

 Comment un remaniement dont on attendait donc rien peut-il cependant parvenir à décevoir, et même à mettre en colère ?

D’abord le choix de Gabriel Attal.

Un choix doublement révélateur : du peu de cas de ce pouvoir pour l’Education nationale avec une troisième ministre en 20 mois, du peu de profondeur de banc de la Macronie.

Habile communicant, sans réelles convictions autres que celles du Président, auquel il doit tout en politique, il sera au moins dans un avenir proche le fidèle traducteur des volontés de Macron, pour devenir un fusible commode en cas de revers aux élections européennes.

Ensuite par la confirmation de l’ancrage à Droite de ce pouvoir, initié avec les discours sur le retour nécessaire à l’autorité et à l’ordre après les révoltes/émeutes de juillet. Une ligne conforme à ce qui reste de l’électorat macroniste – cadres, retraités aisés, patronat – qui seul peut se reconnaître dans le petit monde de l’entre-soi dont sont issus et que servent le Président et son clan.

Et, provocation ou indifférence – sans doute les deux chez un encore Président aux idées si vieilles et qui se dit fier un acteur/prédateur quand le pays en a désormais honte – la nomination systématique d’hommes aux ministères régaliens. La remise en cause d’un ordre profondément inégalitaire ne peut venir de ce camp politique…

Mais comment ne pas voir que tout ceci nourrit le vote RN, alimentant la haine contre les accapareurs de tous poils, quand la Gauche est actuellement incapable par ses déchirements de traduire politiquement en termes de classes et de perspectives progressistes la colère populaire contre le monde du privilège ? Comment le syndicalisme pourrait il rester indifférent encore longtemps au triste spectacle d’une Gauche politique encalminée dans ses divisions et son éclatement, quand la seule voie alternative à l’extrême Droite nationaliste et xénophobepasse par la construction d’une alternative progressiste ambitieuse et crédible ?

Or si les ministres changent, l’essentiel, la ligne politique, demeure immuable, pro business, incarnée par l’inusable Bruno Le Maire, en place depuis 2017.

Preuve en est l’absence de ministère de plein exercice pour la Fonction publique, le dédain avec lequel sont traités lasanté, le logement, pour ne rien dire de la culture… Ou le choix d’une ministre autrefois hostile au « mariage pour tous » pour s’occuper de la santé…

Et que dire de l’Education nationale, déléguée à une ministre d’emblée disqualifiée par ses attaques scandaleuses contre l’Ecole publique, ses mensonges, pour représenter les personnels et défendre le service public d’éducation ?

Cette personne illustre hélas la nature profonde du pouvoir macronien, un petit monde de l’entre soi, intimement lié aux possédants, à l’arrogance tranquille et impudente et qui participe du séparatisme social devenu la seule raison d’être de l’Ecole privée, confessionnelle ou non.

C’est pourquoi la FSU porte avec raison l’idée de reprendre l’offensive pour défendre et promouvoir l’EcolePublique et laïque, la seule Ecole de la république, ouverte à toutes et tous, au-delà des différences d’origine, de fortune ou de croyances, la seule Ecole émancipatrice.

Dans cette lutte formidable pour lutter contre les conservateurs de tout acabit, du Modem au RN en passant parRenaissance, reconquête ou LR, la résignation, il s’agira de réunir le « camp » laïque – car pour le coup il y a ici unelogique de camp – sur l’exigence toute simple : à école publique argent public, à école privée fonds privés. Avant de porter l’idée – mais à chaque jour suffit sa peine – d’une école unique, car il n’y a aux yeux de la République qu’une seule jeunesse.

Face à ce pouvoir lorgnant désormais vers l’extrême Droite, tout en restant fidèle aux intérêts du patronat et

des classes possédantes, le syndicalisme assume donc une lourde responsabilité.

Celle de défendre les femmes et les hommes immigré.es devenu.es otages de la mainmise idéologique de l’extrême Droite sur la Macronie, et au-delà le modèle républicain garantissant l’égalité des droits, par la mobilisation intersyndicale la plus large le 21 janvier et la détermination des suites à lui donner.

 Les mesures anti sociales ne cesseront pas, qu’il s’agisse de nouvelles dégradations des droits des travailleurs au prétexte de faciliter le retour à l’emploi, mais aussi d’une attaque de grande ampleur qui se profile contre les garanties offertes aux fonctionnaires et donc aux usagers dans le statut de la Fonction publique, un des principaux acquis démocratiques de la Libération. Dernier chantier de destruction du clan Macron, la liquidation du statut trouvera la FSU sur sa route, avec la nécessité là aussi de mener la bataille culturelle, d’informer et de mobiliser les agent.es et de nouer des alliances tant syndicales que politiques, tant il s’agit d’un sujet constitutif de la démocratie française.

A ce titre, le maintien, après le formidable mouvement sur les retraites, de l’unité d’action intersyndicale, y compris avec la CFDT, la CGT et l’Unsa constitue un atout déterminant qu’il convient de maintenir et d’approfondir.

Le travail commun entamé entre la FSU et la CGT en vue d’un possible rapprochement, sans renoncer à l’élargir, àSolidaires, et sans exclusive, débattu par les adhérent.es et sous leur contrôle, loin de contredire la recherche d’arcs unitaires les plus larges, est susceptible de redonner confiance au salariat, lassé par des divisions organiques devenues pour beaucoup incompréhensibles et sources de concurrences tant dépassées qu’handicapantes pour mobiliser et gagner ensemble sur les revendications.

La grève du premier février dans l’éducation est donc déterminante en ce qu’elle donnera une idée de la capacitédu mouvement syndical à mobiliser les personnels, ici sur les salaires – dont un contexte d’inflation maintenue et en l’absence, quoi qu’en dise la propagande gouvernementale, de toute revalorisation des traitements des titulaires et des contractuel.les, ainsi que des pensions – les conditions de travail, les moyens nécessaires pour une inclusion efficace, le respect des libertés pédagogique, la défense de la démocratisation de l’accès aux savoirs et aux études, et la fin du mépris pour celles et ceux qui font l’Education nationale et les services publics.

L’essentiel se jouera donc, dans la rue et la grève, le premier février prochain.