NOTRE DEMOCRATIE SOCIALE A L’EPREUVE

SITUATION INTERNATIONALE

L’année 2020 se termine comme elle a commencé, par une quadruple crise sanitaire, économique, sociale et écologique, pondérée d’éclaircies démocratiques arrachées par les peuples.

Pourquoi se dissimuler le soulagement éprouvé après la défaite de Donald Trump aux élections présidentielles ?
La victoire démocrate, avec un nombre de bulletins inégalé dans l’histoire de ce pays, éloigne – temporairement ? – le risque d’un basculement de la démocratie américaine vers un régime autoritaire.
Le score élevé du président sortant, ainsi que la résistance inattendue d’un parti Républicain radicalisé à Droite, doivent cependant être médités par le mouvement syndical : déception devant un candidat démocrate jugé trop modéré ? Maintien d’un soutien à un Président au discours anti libre échange ? Les éléments manquent encore pour l’analyse, et la situation américaine n’est certes pas transposable universellement .

Autres éclaircies : la formidable mobilisation des Polonaises – et de nombreux Polonais – est parvenue à mettre en échec la tentative du gouvernement conservateur de restreindre le droit des femmes à disposer de leur corps, la défaite de l’extrême Droite brésilienne aux élections municipales, le large succès au Chili du referendum pour en finir avec le carcan néo libéral hérité de Pinochet, le retour démocratique du MAS au pouvoir en Bolivie…

Si la montée du nationalisme n’est donc pas inéluctable, la paix et les libertés démocratiques restent partout menacées, que ce soit à Hong Kong ou en Algérie par les régimes dictatoriaux locaux, dans le Caucase par l’aventurisme du Président Erdogan, ou dans les pays où sévit un islamisme meurtrier, comme en Afghanistan, en Mauritanie ou en Libye avec l’assassinat récent de la militante féministe Hassane Al Barassi.

En Europe, les pouvoirs polonais et hongrois, alliant autoritarisme et conservatisme sociétal, n’hésitent pas à bloquer le plan de relance – par ailleurs trop exclusivement favorable aux seuls intérêts capitalistes – lié à l’obligation de respect des règles démocratiques.

EN FRANCE

Jamais sans doute depuis la guerre notre pays n’aura eu à subir une telle coïncidence de crises dont la gravité met à l’épreuve notre démocratie sociale.

Dans cette crise multiple – sanitaire, économique, politique et écologique – le syndicalisme que porte UA doit, tout en maintenant ses valeurs et orientations, démontrer à la fois sang-froid et détermination.

Détermination à écarter toute tentation de mise entre parenthèses des règles qui assurent le fonctionnement démocratique de l’État, et des libertés individuelles et collectives.

L’assassinat d’un professeur par un jeune homme fanatisé, l’attentat de Nice, confirment la nécessité de protéger la population et notamment les personnels enseignants des agissements des terroristes, ainsi que celle de lutter contre l’islamisme, politiquement par la réaffirmation de la laïcité comme un principe et le cadre en France de la liberté de conscience, économiquement par le refus d’accepter plus longtemps l’existence de phénomènes de « ghettoïsation » ethnique et sociale. Mais nous refusons la stigmatisation d’hommes et de femmes en fonction de leurs croyances ou de leurs origines.

Quiconque tenterait d’utiliser le drame de Conflans Sainte Honorine ou de Nice à des fins électorales, au risque de fracturer la Nation, n’aboutirait qu’à fragiliser la République démocratique au prétexte de la défendre : l’extrême Droite nationaliste et xénophobe, notamment du RN comme les forces intégristes, prétendant agir au nom de l’Islam ennemis apparents et vrais complices dans la remise en cause de la démocratie, n’attendent que cela.

Détermination à assurer, dans le cadre de mesures sanitaires, à la fois le respect des libertés fondamentales et le contrôle démocratique de mesures d’exception et la prise de mesures qui protègent les salariés des conséquences sociales de la crise.

A cet égard, la mise à l’écart du Parlement au profit d’un conseil de défense sanitaire aux modalités opaques de prise de décision, le prolongement de l’état d’urgence sanitaire, ou le projet de loi dit de sécurité globale constituent des évolutions préoccupantes qui tendent à systématiser dans la pratique gouvernementale la relativisation du caractère fondamental des libertés publiques, aboutissant parfois à des remises en cause inacceptables.

Si la sûreté constitue une demande légitime dans une société démocratique qui souhaite le rester, si les individus, notamment les serviteurs de l’État dont les membres de forces de l’ordre doivent être protégés des effets de l’usage des réseaux sociaux, la démocratie vivante passe également par la liberté d’expression, de manifester son opposition, et le droit par les citoyens de s’opposer légalement à l’usage abusif de la force par la police.

A cet égard, tant l’interdiction de filmer les opérations de maintien de l’ordre que la criminalisation de l’occupation de locaux universitaires dans le cadre de la loi de programmation de l’enseignement supérieur, mais aussi la répression de lycéens ou de militants syndicaux sont inacceptables.

La crise économique frappe durement les salariés, à commencer par les plus précaires.

Elle souligne une nouvelle fois l’importance du rôle de la puissance publique, des services publics et donc des fonctionnaires pour amortir les effets de la crise et tracer des perspectives de lendemains alternatifs.

Le syndicalisme doit prendre le pouvoir au mot et porter la nécessité de choix politiques qui érigent en priorités la lutte contre la précarité et la pauvreté, l’augmentation des minima sociaux le renforcement des services publics et de tous les leviers de répartition, l’annulation de « réformes » qui iraient à contre-sens de ces priorités, qu’il s’agisse des retraites, de l’assurance chômage ou de la LTFP. Le vote par la majorité de Droite LR au Sénat d’une nouvelle élévation de l’âge de la retraite confirme une obstination libérale que LREM partage sur le fond.

C’est pourquoi le syndicalisme doit poursuivre le dialogue avec les forces politiques à même de proposer des alternatives progressistes, dans le respect des prérogatives de chacun, en transparence avec les syndiqués, pour peser sur les contenus. S’il ne relève pas des responsabilités syndicales de définir les conditions préalables à la défaite de la Droite libérale mais aussi de l’extrême Droite nationaliste, xénophobe et raciste, l’éclatement du paysage politique actuel à gauche comme les démarches unilatérales qui nuiraient au rassemblement nécessaire des forces progressistes ne sont pas de nature à les réunir.

RASSEMBLER ET MOBILISER

Enfin, pour UA, le poids de ce contexte inquiétant ne saurait signifier l’absence de mobilisations sociales. Ni la lutte commune contre toute forme de fascisme, ni l’impératif sanitaire ne doivent conduire à la paralysie des luttes sociales. Celles-ci sont plus que jamais utiles et nécessaires pour faire grandir le rapport de force et peser nos revendications à l’aune d’une séquence électorale qui ne fait que commencer.

Et les luttes paient, même si elles sont difficiles, même si les avancées sont pour le moment insuffisantes.

C’est bien la mobilisation des personnels lors de la grève sanitaire lancée à l’initiative de la FSU – dont la parole et l’action militantes sont d’ailleurs remarquablement présentes dans les médias nationaux comme locaux – qui ont ainsi conduit le Ministre Blanquer à concéder des protocoles plus protecteurs, notamment dans les lycées, et qu’il convient d’élargir à tous les niveaux d’enseignement.

C’est bien la campagne d’opinion en cours et les mobilisations des dernières années qui ont amené à un début de revalorisation, certes très éloigné des objectifs revendicatifs – 400 millions d’euros contre plus de 7 milliards dans le cadre du Ségur de la Santé – mais qui n’en constitue pas moins une première étape et un encouragement à poursuivre l’action. Pour autant, la FSU sera attentive, tout en portant dans les ateliers du Grenelle de l’éducation la parole des personnels, à refuser toute tentative d’échanger ces maigres avancées contre une dénaturation des métiers, elle continue d’exiger une revalorisation qui touche tous les personnels, passant notamment par le dégel de la valeur du point d’indice.

C’est la raison pour laquelle Unité et action se reconnaît dans la poursuite du plan d’action décidé par le CDFN d’octobre, à travers plusieurs journées de mobilisation tout au long de novembre et décembre, notamment un rendez-vous national d’action le 1er décembre ainsi que dans la construction d’une grande journée d’action fédérale dans l’Education nationale voire si possible la Fonction publique, sous forme de grève nationale, en janvier, en recherchant l’unité syndicale la plus large, pour les salaires, les postes, le respect des métiers, et des missions du Service public.