Usages de l’expression « multiculturalisme »
Méthode
UA FSU produit une série de fiches à destination des équipes militantes UA des départements. Il s’agit, à la veille des congrès départements, d’éclairer certains débats en tentant de problématiser certains concepts , présentés comme indiscutables par l’EE.
EE agit ici dans un objectif plus tactique que politique : souligner de supposées carences d’UA par rapport aux évolutions de la société , une société marquée par un héritage paternaliste et néo colonialiste .
Il ne s’agit pas de récuser toute discussion ni de bannir a priori certains concepts mais d’en montrer la complexité et les enjeux.
Place dans les textes de congrès
Paragraphe 160 du thème III : « ….il est important que l’éducation à l’égalité se préoccupe aussi des questions liées à la « race », qui n’est pas une donnée biologique mais une construction sociale, et qu’elle fasse la promotion de la société multiculturelle, en rappelant notamment la contribution indéniable des migrant.es à la richesse de notre pays »
Contextualisation
Ce paragraphe fait donc référence au « multiculturalisme » , terme pouvant etre abordé par divers biais, philosophique, anthropologique, politique.
Il se trouve au centre de plusieurs thématiques devenues centrales dans un monde globalisé, comme la cohésion sociale ou le devenir de l’État-nation.
Il renvoie à des notions différentes en fonction des protagonistes du débat ou selon les pays, à des projets politiques ou mesures différents.
La diversité ethnoculturelle est un fait des sociétés humaines, la question émergente depuis quelques décennies est celle de la prise en compte par l’Etat de la diversité culturelle de sa population, impliquant des modes d’intégration politique et sociale, interrogeant le modèle de l’État nation, et prenant le contre pied d’un point de vue assimilationniste (visant à effacer les identités d’origine si elles sont différentes de celle de la majorité de la population).
EE oppose modèle républicain d’intégration et modèle multiculturaliste, or ce n’est pas si simple.
Les deux modèles ne s’opposent pas, au contraire, et le syndicalisme français en est un bon exemple, par la part prééminente qu’y ont joué et y jouent encore les travailleurs d’origine étrangère, sans pour renier leurs racines.
La question, pour notre syndicalisme , est de penser un modèle conciliant reconnaissance des différences culturelles sans réintroduire inégalités, injustices et instabilités sociales, sans opposer universalisme et lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
L’universalisme républicain n’est plus nécessairement perçu comme un choix politique, par définition susceptible d’être révisé. La République « indivisible » ne reconnaît en effet que des citoyens, pris individuellement, censés être tous égaux et égales quelles que soient leur couleur de peau, leur religion, leurs traditions ou leurs convictions philosophiques , le régime commun de la citoyenneté étant vu comme neutre et renvoyant à la sphère privée les identités culturelles .
Le multiculturalisme, qui vise à la coexistence pacifique entre cultures dans un espace mondial où chacun.e serait être reconnu.e dans son identité, au prix d’ajustements juridiques, institutionnels et sociaux (la « conquête des droits » des minorités), pose la question de la vision de la culture. Il a « parfois été invoqué par des conservateurs soucieux de voir le libéralisme et l’autonomie individuelle éroder les coutumes et les pratiques traditionnelles de communautés culturelles substantielles. Des élites traditionalistes mobilisent la rhétorique multiculturaliste pour empêcher que des changements interviennent au sein de leur groupe …pour protéger quelque notion essentialisée de leur « authentique « culture ou tradition »(1)
On peut penser que la diversité ne vient pas après un premier âge des cultures, celui de l’identité authentique, homogène qu’il s’agirait aujourd’hui de retrouver, ou de préserver mais que la diversité est un caractère constitutif de la culture, et non simplement l’un de ses accidents. Une culture est le fruit de processus historiques d’interactions avec d’autres cultures .
La réflexion doit permettre d’éviter les écueils, celui de penser toute affirmation identitaire comme porteuse de risque de fragmentation de la société.
Dans une société démocratique, les demandes de reconnaissance sont le plus souvent des demandes d’intégration politique plus complète, d’égalité réelle des droits, de justice sociale, contribuant au processus de démocratisation de nos sociétés. Elle doit s’attacher à concilier respect des droits individuels et tolérance .
1)Will Kymlicka, Contemporary political Philosophy, Oxford University Press, 2002