Le CDFN se déroule dans une période charnière du quinquennat Macron.
1) Un mouvement social historique
A l’heure où ces lignes sont écrites, les mobilisations sur la réforme des retraites reflètent la détermination des salarié.es face au projet de réforme des retraites.
Depuis des semaines, des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs sont en lutte, sous des formes diverses, contre un projet néo libéral d’individualisation et de dégradation des pensions.
D’ores et déjà, plusieurs éléments d’analyses peuvent être dégagés.
Ce mouvement, par son ampleur, révèle un malaise social qui dépasse la seule question des retraites. Il s’inscrit, avec une ampleur supérieure encore, dans la dynamique de mobilisation observée ces derniers mois sur d’autres questions, qu’il s’agisse de la crise de l’hôpital ou des régressions apportées au régime de l’assurance chômage.
D’où sans doute le soutien majoritaire de l’opinion, en dépit des difficultés engendrées au quotidien par les difficultés de transport, ou encore la pratique ressuscitée des caisses de soutien. Salaires, conditions de travail mais aussi affirmation d’une fierté ouvrière – au sens large – nourrissent les mobilisations, y compris celle des syndicats dits réformistes (CFDT, UNSA) comme à la SNCF ou la RATP.
Le syndicalisme, volontiers présenté comme moribond par des observateurs trop pressés, démontre sa capacité à rassembler une grande partie du monde du travail dans les luttes, grèves ou manifestations massives. Cette reconnaissance du rôle des syndicats confirmée par les salarié.es, quelle que soit l’issue du conflit, constitue un cinglant désaveu de la vision « macronienne » d’un syndicalisme qui serait purement porteur d’intérêts catégoriels, réduit aux murs de l’entreprise, quand le pouvoir politique élu serait seul dépositaire de l’intérêt général.
Pour autant, la dynamique du mouvement ne saurait dissimuler les faiblesses que devra surmonter le syndicalisme pour mieux servir le salariat et promouvoir ses valeurs de solidarité.
La fragmentation du syndicalisme ne favorise pas les mobilisations, tout comme sa division en deux camps retranchés, syndicalisme « réformiste » et syndicalisme « protestataire », division que ne vivent pas nécessairement les salarié.es dans les entreprises, et sur laquelle joue cyniquement le gouvernement.
Le syndicalisme doit porter un projet de transformation sociale permettant de donner satisfaction aux revendications de justice sociale et d’égalité. Ce projet contribuera au rassemblement des forces de gauche nécessaire pour constituer une alternative aux projets de la droite conservatrice et des classes sociales dirigeantes. L’unité politique et le rassemblement syndical doivent permettre la victoire des luttes sociales.
Dans le moyen terme, la FSU poursuivra la lutte pour le retrait du projet de loi sur les retraites.
Elle continuera à impulser les mobilisations les plus unitaires possibles. Ces mobilisations, toujours soutenues par la majorité de l’opinion publique, ont d’ores et déjà contraint le gouvernement et sa majorité à quelques reculs, partiels et insuffisants, sur les modalités, les conditions et les délais d’application de la réforme (recul des générations concernées par la retraite à points…)
Plusieurs catégories en ont par ailleurs été exemptées, ce qui à la fois correspond à des revendications légitimes de plusieurs catégories professionnelle et révèle bien la nature régressive d’un projet de loi qui n’a plus rien d’universel : c’est bien d’individualisation et de préparation des esprits à la capitalisation qu’il s’agit, sur fond d’austérité budgétaire.
2) La nécessité de l’élargissement
La lutte a également permis de placer au-devant de l’opinion la question des rémunérations des fonctionnaires et notamment des enseignant.es qui seraient particulièrement affecté.es par l’application de la réforme. La FSU doit continuer à refuser de lier celle-ci à la nécessité d’une importante revalorisation des salaires ainsi qu’une amélioration des conditions de travail à tous les niveaux de l’enseignement et de tous les personnels. Elle doit être porteuse du refus de la politique de division des professions et des catégories entre elles et que ce sont bien l’ensemble des rémunérations dans la fonction publique qui doivent être revalorisées.
De même, elle continue à demander le retour à une gestion égalitaire et paritaire des carrières et des mobilités, ainsi que l’abandon des réformes élitistes dans l’Éducation, notamment celle du lycée dont l’application obstinée se déroule clairement au détriment de l’apprentissage serein des savoirs.
C’est pourquoi il ne saurait être question de stopper le mouvement mais au contraire de l’élargir, notamment aux salarié.es du privé et à la jeunesse, de l’inscrire dans la durée, par des actions diversifiées (grèves, manifestations, interpellation des parlementaires…) alors que se profilent le parcours législatif, mais aussi les élections municipales. Certes celles-ci sont essentiellement surdéterminées par des considérations et des enjeux locaux, mais elles permettront également d’évaluer, notamment dans les grandes villes, le niveau réel de popularité de LREM et donc de soutien à sa politique.
Enfin, le maintien de l’unité, s’il n’a jamais été un préalable à l’action, continue d’en être une condition du succès, qu’il s’agisse de l’intersyndicale ou des mobilisations locales.
De jour en jour, la stratégie de la CFDT se révèle être une impasse. Celles de l’UNSA ou de la CFTC aussi !
Après les tentatives grossières du Premier ministre pour jouer les organisations les unes contre les autres en annonçant « le retrait provisoire » et conditionné de l’âge pivot, il inflige un camouflet aux organisations qui ont cru pouvoir bouger le projet de loi, même aux marges, en exigeant d’elles, trois jours seulement après son opération politicienne, une « mesure d’âge ».
La FSU ne tombera pas dans le piège, elle ne porte pas de jugement, mais des analyses, sur les orientations des autres organisations syndicales, refuse toute instrumentalisation politique – clairement l’objet de la lutte n’est pas de faire chuter le gouvernement mais le retrait de la réforme – et continue à s’employer pour rassembler sur cet objectif.
Organisation incontournable dans la Fonction publique, majoritaire dans l’Education nationale, porteuse de l’intérêt général, la FSU ne saurait accepter d’être écartée des discussions concernant les personnels qu’elle syndique et représente,
Pas plus qu’elle n’accepte la dureté de certaines pratiques de répression policière qui tendent à se généraliser, au risque de faire peser des risques graves à l’intégrité physique des manifestant.es. Les agissements d’individus violents extérieurs au syndicalisme et à ses traditions pacifiques ne sauraient servir de prétexte à la remise en cause de fait du droit démocratique à manifester.
3) Un climat international préoccupant
Enfin, comment ne pas évoquer le climat international, particulièrement pesant ?
Certes, face aux crises économiques, sociales, environnementales, démocratiques, les peuples ne renoncent pas et se révoltent. Ils exigent le respect du droit et des libertés, la fin des inégalités sociales et un développement respectueux de la planète.
Dans plusieurs pays européens, sous la pression des mobilisations populaires, des avancées sociales sont obtenues ou des régressions annulées, notamment sur la question des retraites (Belgique, Espagne, Italie…).
Cependant, sur lit de désespérance sociale et d’inégalités toujours plus fortes, les nationalismes poursuivent leur essor, lourds de fruits empoisonnés. Au Royaume Uni, le basculement d’une partie des classes populaires a conduit au triomphe des conservateurs et ouvre la voie au Brexit, affaiblissant ainsi une construction européenne certes imparfaite, dénaturée par les appétits capitalistes mais néanmoins garante de la paix régionale depuis la Deuxième Guerre Mondiale.
Et puis la guerre, une fois de plus, menace au Moyen Orient.
Les pouvoirs autoritaires ou personnels tirent leur force aussi de leur habileté à focaliser leurs peuples sur des questions nationales pour mieux les détourner des solidarités de classe ; outre et peut être davantage que les enjeux stratégiques, c’est ainsi que peut se comprendre la rivalité orchestrée entre D. Trump, en proie à l’impeachment et que moins d’un an sépare des présidentielles et d’autre part la dictature islamiste iranienne qui vient d’écraser à nouveau dans le sang une révolte populaire.
C’est pourquoi les luttes sociales et démocratiques, pour les droits politiques, économiques et sociaux universels, et notamment pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, sont un levier essentiel du maintien de la paix, face aux nationalismes, aux replis identitaires et religieux de toutes natures.